Une rédaction qui en rappelle une autre : la nôtre au sein du journal tunisien La Presse. Réunions, coups de fil, mises au point avec les journalistes font le quotidien rythmé de La Marseillaise. Et puisque une immersion doit être vécue jusqu’au bout, nous nous sommes entretenus avec le président et directeur éditorial, Léo Purguette, qui nous en dit plus sur l’archivage, le mode de fonctionnement actuel du journal et de son histoire.
La parution de La Marseillaise c’est plus de 70 ans d’histoire. Ses journalistes sont au quotidien témoins de leur époque. Pouvez-vous revenir sur cette genèse exceptionnelle du journal ?
Oui et même presque 80 ans, puisque nous les aurons l’année prochaine ! La Marseillaise a été fondée dans la clandestinité pour résister à l’occupant nazi et à ses complices de Vichy. Le premier numéro, daté du 1er décembre 1943, a été tiré en secret à Aix-en-Provence dans l’imprimerie «Tournel», puis diffusé sous le manteau. Au total, une douzaine de numéros clandestins ont été publiés avant que les Résistants, qui ont fondé notre journal, ne s’emparent du siège du journal collaborationniste Le Petit Marseillais que nous occupons toujours aujourd’hui. Le premier numéro légal de La Marseillaise est daté du 24 août 1944, il est sorti pendant les combats pour la libération de Marseille.
L’immense tableau accroché dans votre rédaction est un clin d’œil historique. Quelle est son histoire ?
C’est une œuvre du peintre marseillais Pierre Ambrogiani (1907-1985), spécialement réalisée pour être offerte à notre journal. Elle représente l’imprimerie de La Marseillaise et ses ouvriers du livre en plein travail.
La Marseillaise a traversé des épreuves et fait face aux aléas de son époque. Etes-vous parvenu à contourner ces difficultés ?
Nous les avons toujours surmontées, parfois au prix de grands sacrifices. Lors de nos dernières difficultés, nous avons réussi à éviter les licenciements avec le soutien renouvelé de nos lecteurs. Mais notre liberté fait aussi notre fragilité. La bataille pour que La Marseillaise continue d’exister est quotidienne.
Tout un mur dans votre rédaction affiche de nombreuses lettres de soutien reçues de la part de vos lecteurs. Qu’avez-vous à leur dire ?
Je voudrais leur dire merci. Sans eux, nous ne sommes rien. La mobilisation de l’association des Amis de La Marseillaise à nos côtés est exemplaire, elle fait notre fierté.
De nos jours, on évoque souvent la «survie de la presse écrite» face aux progrès technologiques. Dans certains pays, ce rapport à la presse papier est en train de disparaître. La digitalisation de La Marseillaise est-elle envisageable ? Quel est le futur de sa version initiale ?
Nous avons investi pour un nouveau site et une liseuse numérique qui nous a permis de réaliser de nouveaux abonnements 100% numériques. Nous croyons au «bimédia», à la complémentarité du web et du papier.
L’équipe de rédaction actuelle de La Marseillaise est relativement jeune. Les rédactions précédentes sont-elles dans la transmission d’un certain savoir?
Nous avons, en effet, eu un renouvellement générationnel très important. Néanmoins, nous tentons de demeurer fidèles à l’esprit de la Résistance et à ceux qui nous ont précédés. Je pense aussi aux grands journalistes qui ont marqué notre histoire, à l’image de Jean-Claude Izzo, devenu écrivain à succès, ou de Pape Diouf, devenu président de l’OM.
Quelle place accordez-vous à l’archivage historique et à la documentation ?
Une place importante, nous avons conservé nos archives depuis le début et même des archives du Petit Marseillais. J’ai, par exemple, retrouvé un de ses suppléments féminins intitulé Eve et daté de 1922, vieux d’un siècle !
*Cet entretien a été réalisé dans le cadre d’une formation en journalisme organisée par «Médias & Démocratie»